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Quand on parle terroir, la première la chose qui vient à l’esprit est la nature du sol… Or le terroir est bien plus que cette définition usuelle véhiculée auprès du grand public…

Sa définition par l’INAO

« Le terroir est un espace géographique délimité, dans lequel une communauté humaine, construit au cours de son histoire un savoir collectif de production, fondé sur un système d’interactions entre un milieu physique et biologique, et un ensemble de facteurs humains. Les itinéraires socio-techniques ainsi mis en jeu, révèlent une originalité, confèrent une typicité et aboutissent à une réputation, pour un bien originaire de cet espace géographique. »

Pour faire simple : On peut dire que le terroir est la résultante de l’interaction de quatre éléments principaux :

Le végétal et ses sélections dans le temps :

Le travail humain actuel, issu de son historique local et générale:

 

Le sol ou les enjeux de l’agriculture durable :

 

Le climat, quand le réchauffement climatique vient jouer les troubles fêtes…

 

Au vu de ses spécificités agronomiques géologiques et autres , on comprend qu’un terroir est un espace concret et tangible clairement délimitable et cartographiable.

Cependant, la notion de terroir ne peut pas être entière sans y intégrer la dimension humaine par ses mises en œuvre, ainsi qu’une historique identitaire définissant la typicité des productions agricoles locales…

Comme l’illustre cette carte des « climats » de Bourgogne définissant les spécificités des terroirs au niveau parcellaire, cette identification pouvant retrouver ses origines jusqu’au VIIe siècle.

 

Une subtilité française ?

Le mot « terroir » semble ne pas avoir d’équivalent dans les autres langues européennes, anglo-saxonnes notamment, et se confond alors souvent avec la notion de territoire.

De même origine étymologique, un territoire n’équivaut pas à un terroir. Le territoire regroupe généralement des terroirs différents.

Identification des terroirs dans le temps :

moine-vinL’identification des produits régionaux se confond avec l’histoire humaine au gré des ses échanges commerciaux.

Durant le Moyen Âge, c’est entre la noblesse et les jurades (originellement : conseil municipal sous l’Ancien Régime) que vont s’établir les limites et règles de production locales.

Malgré la disparition des jurades avec la Révolution Française, l’identité et la notoriété des productions locales restent fortes, telles le classement de 1855 lors de l’exposition universelle… Je ne résiste pas « au plaisir » de publier quelques pages du FERET édition 1898 (« Bible » de référence des vins de Bordeaux), décrivant dans le détail la typicité des vins produits de mon canton, et ma commune, voire des domaines viticoles les plus importants de l’époque… Les détails apportés par ce guide laissent supposer que la connaissance des terroirs bordelais à cette époque était plus proche des climats bourguignons que de la globalisation identitaire résultant de la délimitation de l’aire AOC actuelle (!!!)… Pour preuve l’identification dans le texte des premiers et deuxièmes crus et des vins ordinaires notion qui a totalement disparue depuis des décennies…

 

 

L’avènement  de l’INAO : Institut National des Appellations d’ORIGINE :

Face à l’état lacunaire laissé par la Révolution française, la loi du 1er août 1905 confie à l’administration le soin de délimiter les zones dont les productions agricoles peuvent bénéficier d’une appellation d’origine. Cette loi sera renforcée par celle du 6 mai 1919… Cependant, la crise viticole nationale nécessite une mise en oeuvre administrative plus énergique.

La réponse est la création de l’INAO « par le décret-loi du 30 juillet 1935. Il combine à la fois les aspects administratifs, judiciaires et professionnels. Le produit inscrit à l’INAO doit bénéficier de caractéristiques particulières héritées de facteurs naturels et humains. Cette loi prévoit que la reconnaissance des AOC et leur réglementation sont confiées à un établissement public, l’INAO, qui a un pouvoir de proposition auprès des ministères. Ce décret-loi de 1935 est fondamental, car il protège non seulement le nom du produit, mais aussi ses caractéristiques et son lien fort avec un terroir délimité, contrairement aux labels qui ne confirment que le savoir-faire du producteur.

En 1990, le succès économique des AOC pour la filière viticole pousse le Parlement à étendre les compétences de l’INAO à toutes les productions agricoles (loi du 2 juillet). »

Début 2007, l’Institut national des appellations d’origine devient l’Institut national de l’origine et de la qualité

Les enjeux commerciaux nationaux et internationaux :

L’évolution des attentes des consommateurs ces dernières ont significativement augmenté l’importance de l’identification des produits.

La notion de terroir devenue un facteur d’attractivité  stratégique et parfois très concurrentielle pour la vente de produits agricoles ou typiques de ces territoires, (qui sont à ce titre protégés par des appellations contrôlées)

Le système des AOC françaises, à quelques variantes près est celui qui a été adopté aujourd’hui par la plupart des pays européens (DOP portugaises, DOC italiennes ou espagnoles…).

Les AOC viticoles représentaient, en 2005, 46 % de la production française, avec 470 appellations, et 80 % du chiffre d’affaires du secteur, soit 11 milliards d’euros.

Motifs de fâcherie :

« Usurpation d’identité, utilisation abusive d’appellation, notoriété détournée… On ne compte plus les contentieux de ce type entre les pays européens, d’un côté, les États-Unis et le Canada de l’autre. D’autres pays comme la Russie, la Chine ou encore le Brésil ne sont pas non plus exempts de reproche…Du jambon de Parme au jambon de Bayonne qui n’en sont pas véritablement, en passant par des champagnes, des chablis, des sauternes ou des clarets dont le nom est utilisé abusivement, sans oublier les fausses lentilles vertes du Puy, la fausse feta grecque ou la fausse mozzarella, « les motifs de fâcherie  » sont légion. » (Les Échos 17/02/14)

Malgré les accords commerciaux signés le 15 septembre  2005, entre l’UE et les États-Unis, le problème reste pleinement posé au vu de la concurrence pour ne pas dire « guerre» commerciale issue de la mondialisation économique.

Et l’Agriculture Biologique ?

eurofeuille

Assez logiquement, du moins selon moi, elle est reconnue comme un label de qualité chapeautée au niveau national par l’INAO, venant renforcer la notion d’Appellation d’Origine Contrôlée.

S’inscrivant dans les principes de l’agriculture durable et dans une restriction drastique des techniques culturales « industrielles », l’AB est certainement le cahier des charges le plus proche de la définition du respect et de l’expression du terroir.

Discussion :

La notion de terroir et les mises en œuvre juridiques qui en découlent sont clairement une particularité française d’un point de vue historique.

À l’heure actuelle, cette notion de terroir se voit opposer la notion de marque issue de la culture anglo-saxonne.

Le terroir est l’expression d’une tradition plus ou moins figée, limitant la capacité d’adaptation à des attentes consommateurs mondiales et changeante au gré des modes.

La notoriété acquise au cours des décennies passées, est un atout commercial majeur, dont les producteurs ne souhaitent pas s’affranchir, tout en souhaitant s’actualiser aux tendances de consommation du moment… Les vins de marque du négoce sont souvent l’expression de cette contradiction.

Deux de nos cuvées sont intéressantes par rapport à cette problématique illustrant parfaitement la limite entre terroir et AOC.

Nos cuvées Chai d’œuvre sont des sélections qualitatives monocépages autorisées en bordelais, et à ce titre ayant droit à l’Appellation Bordeaux… Or les vins de Bordeaux sont caractérisés comme des vins d’assemblages. Nous avons donc fait le choix de limiter l’Identification Géographique à Vin Pays de l’Atlantique pour ne pas tomber dans la contradiction avec nos autres cuvées AOC.

Notre cuvée Blanc de Noirs répond pleinement à tous les critères de l’AOC,  hormis dans nos choix de vinifications, que nous ne voulons pas être confondus avec un vin blanc ou un rosé traditionnels, d’où le choix de le commercialiser en Vins de France… tout en subissant les contraintes juridiques des AOC m’interdisant de faire état de l’aire de production et d’inscrire Chapelle, assimilé à Château réservé aux AOC et IG… d’où le non de la cuvée « CENSURÉ » en réponse amusée à cette législation archaïque.

La notion d’AOC ne peut pas et ne doit pas être confondue avec la notion de marque, mais d’égale façon ne pas produire dans le cadre d’une AOC n’induit nullement une renonciation à la notion de terroir…

L’ enjeu pour les AOC, dès aujourd’hui, est donc de clarifier ce qu’elles doivent être face aux bouleversements des marchés traditionnels : se définir comme une marque ou les gardiens d’une exception culturelle inimitable autre part dans le monde.

Cette question est d’autant plus vraie pour les appellations de grande surface qui sont plus proches de la notion de « territoire » anglo-saxon que de la définition du terroir… Face à cet état lacunaire, comment ne pas penser que le FERET dès 1898 a apporté une réponse pertinente par ses identifications communales… Force est de constater à l’heure de la « globalisation et de la mondialisation » la réussite des appellations « villages »!

Sources :

 https://fr.wikipedia.org/wiki/Terroir

https://www.vins-bourgogne.fr/nos-vins-nos-terroirs/nos-climats-et-lieux-dits/qu-est-ce-qu-un-climat-et-un-lieu-dit-en-bourgogne/climats-et-lieux-dits-l-expression-ultime-du-terroir-de-bourgogne,2380,9174.html?

https://fr.wikipedia.org/wiki/Institut_national_de_l%27origine_et_de_la_qualit%C3%A9

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cocks_%26_F%C3%A9ret_-_Bordeaux_et_ses_vins

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